Depuis la présentation du spectacle-évènement Hors des Sentiers Battus à l’Église du Gesù en 2013, Ivy a été invité à lire des textes pendant les messes jazz 2014 et 2015 ainsi que pour la messe commémorative des 150 ans de l’Église du Gesù. Vous avez été nombreux à désirer relire ces poèmes inspirés. Voici donc les inédits. En ce qui concerne les autres poèmes, cliquez sur les titres pour entendre Serre et Monie et voir Merci.
Pour le 150e du Gesù
©Ivan Bielinski (IVY), 2015
Vous avez pris le temps
Celui qui passe trop vite
Pour le laisser derrière
Égrener son chapelet
De comptes à rendre
Merci
Aujourd’hui
Ne cherchez plus l’horizon
À même la pierre
L’eau et la moisson
Au milieu du désert
Trouver plutôt un silence
Qui ne soit pas
Absence de bruits
Une présence
Qui enveloppe
Mieux qu’autrui
Une brise se lève et vous invite
À passer la grande porte
C’est ici qu’IL habite
En quelque sorte
Parmi Fidèles et pénitents
Vous vous confondez
Vous vous confierez
Vous entendrez des mots recueillis sur les lèvres des écritures
À même la poussière des siècles
Vous verrez Morts et Vivants se confondre
À la lumière tremblotante des cierges
Comment ne pas être saisi
Par l’ampleur du message
Lorsqu’il se charge d’un tel endroit?
Même la lumière
Joue avec le feu
À un murmure à peine
De ceux qui passent leur chemin
Des Paroles empreintes de vie
Naissent
Le mystère
Chaque instant renouvelé
S’épanouit
Dans la chaleur épaisse
L’homme épuisé par sa fébrile industrie
Retrouve ici sa dignité
Il arrive à ce qui en Lui
Commence
Du ventre de la Terre
Jusqu’aux confins du ciel
Un instant arraché
À sa gangue mortelle
Il se réconcilie
À sa nature profonde
Il n’est plus
Souci
Déboires
Ambition
Il n’est plus
Soumis
Désespoir
Désertion
Il n’est plus le père
Ni la mère, la sœur, le frère
Ni ce qu’il pense qu’il est
Ni ce qu’on dit de lui
Le temps d’un recueillement
Ou d’une célébration
Il est communion
Sans Limite
Il est la Parole même
Qui l’habite
Car comme elle
Il se sait
Incontestablement
Vivant
Oui
Vivant
Vivant
Vivant
C’est ici
Dans cet endroit
Que l’art et la foi
Se retrouvent en dansant
C’est ici que la Parole s’amplifie vraiment
Dans le noir, elle éclaire
Dans le cœur, elle s’insère,
Dans l’esprit, elle arrive
Dans la tête, elle avive
Dans la soif, elle… eau vive
Puis elle prend feu
Dans l’esprit de ceux
Qui s’en approchent
Bienheureux
Ceux-là
Qui deviennent torches
Car le porte-flambeau de la parole réverbère
Le Verbe fait chair
À la Croix des chemins
Aujourd’hui
Vous cherchiez l’horizon
À même la pierre
L’eau et la moisson
Au milieu du désert
Ne cherchez plus
Vous êtes attendus
Et depuis toujours Bienvenue
Chez vous
Chez Lui
Dans l’Église du Gesù.
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Apologie
©Ivan Bielinski (IVY), 2015
À la mousse, aux éclaircies
aux rivages jonchés de bois morts
aux pentes abruptes
aux isbas abandonnées,
aux carreaux brisés
on y glisse le bras.
À ces routes asphaltées devenues terre
aux rangs décatis désormais trails à bois
aux sentes, aux pistes, aux égarés.
À la nuit sans ampoules ni taches de rousseur
aux aubes bleues enfouies dans le brouillard
aux incorruptibles manigances d’un esprit en éveil
Aux voies de l’intelligence sensible
sans rails
elle voyage en tous sens
aux chemin de fer sans train
à l’amour sous les viaducs
aux lèvres et aux mains de Rachel
au Belvédère inaccessible
aux errants gigantesques, par terre, par mer
et dans la boue.
À l’échec et au succès, pédagogues en humilité
aux fleurs chétives
aux Villes Fantômes
aux clous qui éclatent sous la pression du gel
à la rouille, à l’enfant doux
au goût amer
souvenir de la beauté sucrée
Aux fosses de Marianne
au doigt du maître dans un verre
à l’oeuf et son contraire
à la chaussée des géants
aux Sans-Torts
aux naïfs
Au chant de l’ours
à la valise de Blaise Cendrars
à la haine du licol, au refus suprême
apanage et prestige des Dieux vivants
hommes, femmes, algues et sédiments
au crachin de la révolte sur les paupières
au Christ, Bon Dieu ! au Christ
à l’Enfant bohème de Nazareth
au philosophe, au luthier
à l’amour aveugle.
À la difficulté de pactiser avec le néant
au courage de n’avoir ni titre, ni fonction
à la timidité, aux choix impossibles, à l’inconfort
à la Joie qui triomphe de mon corps
à l’appel
du début à la fin balbutié
hésitant, fier puis paisible
juste
comme la blancheur des morts.
À la folie de croire qu’une parole peut guérir.